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Crise diplomatique entre l’Algérie et la France : escalade des expulsions de diplomates

Depuis juillet 2024, les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie traversent une période de turbulences rares. Cette tension s’est matérialisée par une série d’expulsions réciproques de diplomates et d’agents consulaires, faisant entrer les deux pays dans un engrenage conflictuel aux répercussions politiques majeures. Le dernier épisode en date est survenu le dimanche 12 mai 2025, lorsque les autorités algériennes ont exigé le rapatriement de quinze agents français, invoquant des affectations « dans des conditions irrégulières ».

Cette mesure fait suite à l’arrestation, en France, d’un agent consulaire algérien, soupçonné d’implication dans une tentative d’enlèvement du cyberactiviste Amir DZ, opposant très actif sur les réseaux sociaux. Cette affaire, hautement sensible, a immédiatement ravivé les tensions, plongeant les relations diplomatiques entre les deux capitales dans un état de gel quasi-total.

La réaction française n’a pas tardé : Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, a annoncé une réponse « immédiate, ferme et proportionnée ». Une déclaration qui laisse présager une nouvelle escalade entre deux pays dont les relations, déjà fragiles, semblent s’enliser dans une spirale de représailles diplomatiques.

L’affaire Amir DZ, catalyseur de la crise entre Alger et Paris

Le déclencheur principal de cette crise a été l’interpellation d’un agent consulaire algérien en France, dans le cadre d’une enquête judiciaire ouverte pour tentative d’enlèvement d’Amir DZ. Le cybermilitant, connu pour ses dénonciations virulentes contre le régime algérien, jouit d’un statut protégé en France. Son implication dans cette affaire a immédiatement pris une dimension politique, les autorités algériennes y voyant une attaque directe contre leur représentation diplomatique.

En réponse, l’Algérie a expulsé douze agents français relevant de l’ambassade et des consulats, accusant Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur, d’avoir intentionnellement durci les rapports bilatéraux. Paris a répliqué dès le 16 avril 2025 en prenant des mesures symétriques : douze agents algériens ont été expulsés et l’ambassadeur Stéphane Romatet a été rappelé pour consultations.

L’affaire Amir DZ illustre la manière dont une question judiciaire peut cristalliser des tensions géopolitiques plus profondes. Le cybermilitant, devenu symbole de la liberté d’expression pour certains, est au cœur d’un jeu diplomatique complexe opposant l’ancienne puissance coloniale à un régime algérien de plus en plus méfiant vis-à-vis de la France.

Accréditations diplomatiques et violations des procédures : les griefs d’Alger

L’Algérie reproche à la France d’avoir envoyé quinze agents sur son sol sans respecter les procédures diplomatiques en vigueur. Selon l’agence de presse officielle APS, ces agents auraient été affectés sans notification préalable ni demande d’accréditation. Deux d’entre eux appartiendraient au ministère français de l’Intérieur et auraient été dotés de passeports diplomatiques, alors qu’ils ne possédaient initialement que des passeports de service.

Pour Alger, ces manquements relèvent d’une tentative délibérée de contourner les canaux diplomatiques traditionnels. L’envoi d’agents sans accréditation, surtout dans un contexte aussi tendu, est perçu comme une provocation. Cette accusation de manquement aux usages diplomatiques vient renforcer la posture algérienne, qui affirme vouloir défendre sa souveraineté face à ce qu’elle considère comme une ingérence.

Les règles d’accréditation sont pourtant claires dans le droit international : tout diplomate étranger doit être validé par l’État hôte. En ne respectant pas cette procédure, la France expose ses agents à des mesures d’expulsion légales. Alger en a donc profité pour rappeler à Paris que le respect des conventions diplomatiques est non négociable.

Jean-Noël Barrot et la ligne dure de la diplomatie française

Dans ses récentes déclarations, Jean-Noël Barrot a adopté un ton particulièrement ferme, traduisant un changement de cap dans la gestion de la crise. Il a qualifié les décisions algériennes d’ »injustifiées » et a affirmé que la France allait réagir de manière « immédiate, ferme et proportionnée ». Une posture qui tranche avec les tentatives de réchauffement observées en début d’année, notamment lors de la visite d’une délégation parlementaire française à Alger.

Le chef de la diplomatie française a également dénoncé la manière dont les autorités algériennes ont traité les agents français, en particulier ceux en mission temporaire. Il a souligné que la situation actuelle ne servait ni les intérêts de la France, ni ceux de l’Algérie, appelant à un retour au dialogue tout en maintenant la pression sur Alger.

En parallèle, la porte-parole du gouvernement français, Sophie Primas, a évoqué la possibilité d’un « durcissement de la riposte graduée », laissant entendre que de nouvelles mesures restrictives pourraient être envisagées, notamment en matière de visas et de coopération bilatérale.

Relations France-Algérie : un gel diplomatique lourd de conséquences

Les effets de ce gel diplomatique commencent à se faire sentir sur plusieurs plans. Sur le terrain économique, les échanges commerciaux sont en baisse depuis le second semestre 2024. Plusieurs projets de coopération bilatérale ont été suspendus, notamment dans les domaines de l’éducation, de la culture et de la sécurité.

Du côté algérien, cette crise est perçue comme une opportunité de renforcer les alliances avec d’autres partenaires, notamment la Chine, la Russie et la Turquie. Les médias officiels algériens n’ont pas manqué de souligner que la France n’est plus un partenaire « privilégié », mais simplement un acteur parmi d’autres sur la scène internationale.

Pour les communautés algériennes et françaises installées de part et d’autre de la Méditerranée, cette crise représente également une source d’inquiétude. Les demandes de visas connaissent un ralentissement notable, et plusieurs dossiers consulaires sont aujourd’hui bloqués. Des conséquences concrètes qui risquent de peser sur la population civile bien plus que sur les sphères diplomatiques.

Quel avenir pour les relations franco-algériennes ?

La crise actuelle révèle les fragilités d’une relation post-coloniale toujours marquée par la méfiance et les non-dits. Si les deux pays partagent une histoire dense et complexe, leurs visions géopolitiques divergent de plus en plus. L’Algérie revendique une souveraineté pleine et entière, tandis que la France tente de préserver ses intérêts stratégiques dans la région maghrébine.

Le futur des relations bilatérales dépendra de la capacité des deux États à dépasser les affronts actuels pour instaurer un dialogue sincère. Une médiation par des partenaires tiers, comme l’Union européenne ou des pays arabes, pourrait faciliter un retour au calme. Mais pour l’instant, l’heure est aux démonstrations de force.