Non au harcèlement en Algérie

« Non au harcèlement en Algérie » : un cri de révolte viral porté par les femmes

En Algérie, le harcèlement de rue est depuis longtemps une réalité vécue quotidiennement par des milliers de femmes. Regards insistants, remarques obscènes, comportements intrusifs, voire agressions physiques… ce fléau omniprésent dans les transports en commun, les marchés, les établissements scolaires et même les lieux de travail est trop souvent banalisé. Mais aujourd’hui, une révolution silencieuse est en marche. Sur les réseaux sociaux, les femmes algériennes brisent le silence et dévoilent enfin le visage de leurs agresseurs.

Un hashtag viral : #لا_للتحرش_في_الجزائر

Depuis quelques jours, une vague d’indignation déferle sur les réseaux sociaux algériens. Des dizaines, puis des centaines de femmes, jeunes filles, étudiantes et mères de famille filment désormais leurs harceleurs et publient les vidéos sur TikTok, Facebook ou Instagram. Le tout accompagné du hashtag #لا_للتحرش_في_الجزائر (« Non au harcèlement en Algérie »). Ce mouvement, qui rappelle l’onde de choc provoquée par #MeToo, a une spécificité forte : il ne se contente pas de raconter, il montre.

Le « name and shame » comme outil de lutte

Cette stratégie de dénonciation publique, appelée « name and shame », consiste à filmer les auteurs de harcèlement sans les flouter, afin de les exposer directement à la vindicte populaire. Le but est clair : retourner la honte contre l’agresseur, et non plus contre la victime. En filmant les visages des harceleurs, souvent pris sur le fait dans les rues ou les transports, les femmes algériennes brisent un tabou profondément enraciné dans la société. Elles utilisent le numérique comme une arme pour se défendre, alerter, et surtout dissuader.

@artkey.dz #لا_للتحرش_في_الجزائر #الجزائر #tamazight #الشاوية_خنشلة_باتنة_ام_البواقي_تبسة #feminism #algerie#femmelibreetindependante ♬ sonido original – 🎧🩶

Un phénomène qui choque, mais qui libère la parole

Les vidéos publiées sont souvent brutes, sans montage, et montrent des scènes quotidiennes : un homme qui suit une femme, un autre qui l’aborde de manière insistante, ou encore des comportements inappropriés dans les bus ou les voitures. Ces images ont un impact fort, car elles illustrent une réalité longtemps tue. Si cette méthode dérange certains et suscite des débats, elle provoque aussi une libération massive de la parole.

Des témoignages affluent chaque jour, non seulement en vidéos, mais aussi sous forme de textes ou de récits personnels. Cette mobilisation est portée par une génération connectée qui refuse de rester passive face à l’injustice.

Est-il légal de filmer son harceleur en Algérie ?

Ce mode d’action n’est pas sans controverses. Des voix, principalement masculines, dénoncent une atteinte à la vie privée ou une violation des lois. En Algérie, le cadre juridique reste flou : filmer une personne sans son consentement est en théorie interdit. Mais face à un harcèlement omniprésent et souvent impuni, filmer devient pour beaucoup un acte de légitime défense.

Le juriste Khaled Slimani rappelle que le harcèlement de rue est reconnu comme un délit depuis 2015. L’article 333 bis du Code pénal prévoit des peines de 2 à 6 mois de prison et des amendes allant jusqu’à 100 000 dinars pour les auteurs de harcèlement. Lorsque la victime est mineure, les peines sont doublées. Dans une société où les plaintes aboutissent rarement, l’exposition sur les réseaux devient parfois le seul moyen d’obtenir justice.

Un soutien croissant, en Algérie et au-delà

La mobilisation a rapidement dépassé les cercles militants. Des influenceuses algériennes comme Djamila Djimi ou Dahlia Atrouche, suivies par des milliers de personnes sur TikTok, se sont engagées activement. Leurs messages percutants encouragent les femmes à filmer, dénoncer et ne plus avoir honte. « Si tu as un téléphone, filme-le. Si tu n’en as pas, crie ! », clame Djamila dans l’une de ses vidéos.

Des pages d’actualité comme Trending DZ publient également les vidéos de harcèlement et appellent à des sanctions exemplaires. Le soutien ne vient pas seulement des femmes : de nombreux hommes se joignent au mouvement, dénoncent le machisme ordinaire et défendent les victimes.

La diaspora algérienne, notamment en France, au Canada ou encore en Belgique, participe activement à la campagne en relayant les vidéos et en partageant les hashtags. Des soutiens venus du Maroc et de Tunisie saluent aussi cette initiative courageuse, dans des pays où le harcèlement de rue reste un sujet tabou.

Un pas vers une prise de conscience collective ?

La question reste entière : ce mouvement digital peut-il provoquer un changement durable dans les mentalités ? S’il est encore trop tôt pour le dire, une chose est sûre : l’indignation est massive, et les vidéos publiées suscitent des discussions sur tous les canaux, y compris dans les médias traditionnels.

La pression sociale s’intensifie, et le silence complice de certains commence à être remis en question. Des campagnes de sensibilisation émergent, et des voix s’élèvent pour appeler à une réforme en profondeur, tant sur le plan législatif que culturel.

Un tournant historique pour les droits des femmes en Algérie ?

Le mouvement #لا_للتحرش_في_الجزائر n’est pas une simple tendance passagère. C’est une révolte collective, une prise de parole essentielle dans un pays où la parole des femmes est souvent minimisée. Grâce aux réseaux sociaux, ces Algériennes refusent désormais la honte et le silence. Elles veulent la justice, la sécurité et le respect dans l’espace public.

Leur combat ne concerne pas uniquement les femmes algériennes : il interpelle toutes les sociétés confrontées au sexisme, à l’impunité et à l’injustice. Le harcèlement de rue n’est pas une fatalité. Le dénoncer est un acte de courage. Le combattre est une nécessité.