Scandale dans le football algérien : Le président du MB Rouissat s’en prend aux clubs historiques

Le football algérien est une nouvelle fois secoué par un scandale aux relents de polémique identitaire. Mohamed Laroussi Bensaci, président du MB Rouissat, club de la wilaya de Ouargla évoluant en deuxième division amateur (groupe Centre-Est), a déclenché une vive controverse en s’attaquant frontalement à l’histoire des clubs algériens créés avant 1962.

Des propos polémiques qui ravivent les blessures du passé

À la suite d’un match crucial pour l’accession à la Ligue 1 disputé à Ouargla, le président Bensaci a tenu des propos jugés particulièrement graves. « Tous les clubs algériens fondés avant l’indépendance étaient ceux des colons français », a-t-il déclaré. Il a ajouté que « le MB Rouissat est un vrai club algérien, né en 1964, donc après la libération du joug colonial ».

Ces déclarations ont choqué bon nombre d’acteurs du football national, notamment les supporters de clubs historiques comme le MC Alger (fondé en 1921), le CS Constantine (1898), la JS Kabylie (1946) ou encore l’USM El Harrach (1935). Pour beaucoup, ces clubs n’ont jamais été des instruments du colon mais plutôt des bastions de résistance identitaire à travers le sport, dans un contexte marqué par la lutte pour l’indépendance.

Un contexte tendu dans la course à la montée en Ligue 1

Le MB Rouissat est actuellement engagé dans une lutte acharnée pour une place en Ligue 1 algérienne. À deux journées de la fin du championnat, le club est en tête du classement avec 65 points, talonné de près par l’USM El Harrach, son rival direct.

Cette rivalité sportive a malheureusement dégénéré à plusieurs reprises. Le 27 février 2025, une rencontre entre les deux équipes a été annulée à Rouissat en raison de débordements graves dans les tribunes. Des propos haineux ont ensuite envahi les réseaux sociaux, poussant les autorités à arrêter huit personnes pour « incitation à la haine et à la ségrégation ».

La Fédération algérienne de football (FAF) a réagi en suspendant temporairement Hocine Belalem, entraîneur des gardiens de l’USM El Harrach, ainsi que Mohamed Laroussi Bensaci. Le match a finalement été reprogrammé et joué le 3 mai à Ouargla, avec une victoire du MB Rouissat sur le score de 1-0.

Le football algérien face à ses contradictions

Au lieu de se féliciter d’une victoire sportive, le président du club a choisi d’instrumentaliser l’événement à des fins politiques et identitaires. « C’est une victoire pour Ouargla et les habitants du Sud. Ce club est un véritable enfant de l’Algérie post-indépendance », a-t-il lancé, opposant ainsi son club à ceux qu’il qualifie implicitement de « clubs coloniaux ».

Ce genre de discours divise profondément la scène footballistique algérienne et pose de nombreuses questions sur la gestion du sport, la mémoire historique et la responsabilité des dirigeants. Car les clubs algériens fondés avant 1962, bien loin d’être des relais du pouvoir colonial, ont souvent servi de refuges pour les militants nationalistes, voire de lieux de mobilisation contre l’occupant français.

Rappel historique : les clubs sportifs comme instruments de résistance

Les propos de Mohamed Laroussi Bensaci tranchent avec l’histoire de nombreuses figures du football algérien, à commencer par Mohamed Lamine Belghit, un ancien joueur et dirigeant connu pour son engagement durant la guerre de libération.

Belghit, originaire de l’est algérien, a longtemps évolué dans des clubs à forte identité nationale et a milité pour que le sport serve la cause algérienne. Après l’indépendance, il a contribué à la structuration du football national et à la professionnalisation de plusieurs clubs. Son héritage contraste avec les récentes tentatives de réécriture de l’histoire par certains responsables.

Des clubs comme le MC Alger ou l’USM Alger ont joué un rôle de premier plan dans la préservation de l’identité algérienne pendant la colonisation. Ils servaient de lieux de rassemblement pour les jeunes militants, souvent sous la surveillance des autorités coloniales. L’équipe du FLN, formée en 1958, regroupait d’ailleurs plusieurs joueurs issus de ces clubs patriotiques.

Une réaction attendue des autorités sportives

Face à cette polémique, les réactions ne se sont pas fait attendre. Plusieurs figures du football et historiens ont dénoncé une instrumentalisation politique de l’histoire du sport algérien. La Fédération algérienne de football pourrait être amenée à statuer une nouvelle fois sur ces déclarations, qui risquent d’alimenter les tensions déjà vives entre clubs.

Des observateurs appellent à une remise à plat de l’éthique dans la gouvernance du football, et à une formation des dirigeants, notamment en matière d’histoire nationale et de communication publique.

Un football en quête de maturité

Le cas du MB Rouissat illustre les dérives potentielles quand le football devient un terrain d’expression de discours identitaires ou régionalistes. Alors que la saison sportive touche à sa fin, les instances doivent rappeler que le sport, par essence, doit rassembler et non diviser.

Plutôt que d’opposer les clubs selon leur date de création, il serait plus judicieux de valoriser leur contribution à l’histoire nationale et de favoriser une culture du respect entre dirigeants, supporters et institutions. Car si les rivalités sportives sont saines, elles ne doivent jamais devenir un prétexte à la haine ou à la révision de l’histoire.